Société d’ Histoire de Revel Saint-Ferréol PARU DANS LES CAHIERS DE L’ HISTOIRE numéro 16 - 2011 |
DOCUMENTS DIVERS SUR LA COMMUNAUTÉ DE PÉCHAUDIER (TARN) Relevés de Maurice DE POITEVIN |
UNE FETE DE LA FRATERNITE A PECHAUDIER (Tarn)
L’avènement de la Seconde République, au printemps 1848 fut marqué par de très nombreuses réjouissances publiques dans toutes les communes de France, y compris les plus modestes. En l’honneur de la proclamation de la République et du suffrage universel, des banquets fraternels, toutes classes sociales confondues, eurent lieu dans tous les villages avec le plus souvent la participation du clergé qui bénissait les arbres de la liberté.
Ces fêtes de la fraternité, qui rappelaient celles de 1790, premier anniversaire de la prise de la Bastille, devaient se perpétuer tout au long du XIXème siècle, dans certaines communes de la France républicaine.
En effet, à l’occasion du renouvellement de son conseil municipal, la commune de Péchaudier (Tarn) organisa en 1896, un banquet de 200 personnes, avec un petit orchestre de trois musiciens ; bien plus, un vénérable vieillard de 77 ans, « imbu des principes de l’immortelle révolution de 1789, a chanté, d’une voix ferme, une vieille chanson patriotique de cette inoubliable époque ».
Voici le texte de « cette réunion toute fraternelle » :
« Exemple à suivre : ce que fait depuis longtemps une commune bien ignorée certainement dans le département du Tarn. La petite et modeste commune de Péchaudier jouit depuis longtemps, de l’usage que chaque conseil municipal, peu de temps après son renouvellement, offre généreusement un petit banquet à tous les habitants de la commune, sans abstraction même des habitants des communes voisines que la simple curiosité peut attirer. »
Cette fête intime dont l’existence se perd, pour ainsi dire, dans la nuit des temps, n’avait jamais eu autant de solennité qu’en la mémorable année 1896.
Voici racontée, en aussi peu de mots que possible, par des spectateurs étrangers à la commune, la fête intime, telle qu’elle a eu lieu à Péchaudier le dimanche, 30 août 1896.
« Selon l’usage, le conseil municipal au complet, a invité tous les habitants de la commune, sans exception, à venir prendre part au banquet intime consacré par les temps.
Tous les habitants de Péchaudier que rien n’a retenu chez eux se sont faits un honneur de prendre part à cette réunion toute fraternelle. Beaucoup de personnes des communes voisines sont venues rendre hommage à la concorde dont Péchaudier donne l’exemple.
Qu’on se figure, en effet, une réunion d’au moins 200 personnes, réunies autour d’une longue suite de tables occupées, pendant plus de trois heures, à manger ou à boire sans qu’aucun incident désagréable ne se produise. Ce fait, pour aussi extraordinaire qu’il puisse paraître, est reproduit dans toute son exactitude.
« Ce n’est pas tout : La jeunesse de Péchaudier a voulu aussi avoir une part exceptionnelle à la solennité de la fête. Pour cela, elle a engagé, à ses risques et périls, un orchestre de trois musiciens qui se sont montrés vraiment dignes de cette modeste mais bien remarquable fête de fraternité.
Les jeunes gens généreux, qui n’ont pas craint de se dévouer ainsi pour l’honneur de leur commune, ont vu spontanément leurs frais presque totalement couverts par le produit d’une tombola, cas excessivement rare dans une plate campagne.
Après que le gros des habitants de la commune se soit retiré, le maire, les conseillers municipaux, les servants du banquet et les musiciens de l’orchestre se sont rendus dans un des appartements de la maison d’école pour y célébrer, en réunion plus intime, la continuation de la fête. Plusieurs chansons patriotiques, où la « Marseillaise » a eu sa large place, ont donné à la fête toute la portée morale qui lui appartenait.
Un vieillard de soixante dix-sept ans, imbu de principes de l’immortelle révolution de 1789, digne héritier de ses pères, a chanté, d’une voix ferme, une vieille chanson patriotique de cette époque.
A tous ces chants, qui témoignent de la foi patriotique de la commune de Péchaudier, est venue se joindre une courte improvisation d’un des membres de l’assemblée. Ce modeste orateur a fermement attesté que la commune de Péchaudier avait le droit de réclamer un rang honorable au sein de la France républicaine.
Monsieur le maire de Péchaudier a ajouté le principal fleuron à la fête en portant un toast à M. le Président de la République et à la Patrie française (1).
La fête s’est continuée avec tout l’entrain qu’on peut désirer jusqu’à onze heures du soir ».
L’INVENTAIRE DES BIENS D’UN METAYER DE PECHAUDIER (Tarn)
Grâce aux inventaires après décès, nous pouvons connaître l’ameublement, le linge et les effets de toutes sortes des milieux sociaux aisés.
Malheureusement, sauf exceptions, il n’en est pas de même pour les classes modestes.
Toutefois, à la suite d’un incendie survenu au début du XXème siècle, dans la commune de Péchaudier (Tarn), nous avons une estimation très précise des objets d’un métayer, qui ont été consumés ou abîmés par le feu. Ce document est particulièrement intéressant pour l’histoire rurale.
« Estimation des objets mobiliers appartenant à M. Daydé Auguste Albert, métayer de M. Bousquet, détruits ou détériorés dans l’incendie survenu le 22 novembre 1905 à la maison Bousquet ».
Meubles
Soie de moulin, 15 F.
Armoire en noyer, 60 F.
Bois de lit en cerisier, 45 F.
Cinq chaises neuves, noyer et cerisier 2F25, soit 11F25.
Cuillères à soupe, 2 douzaines à 1F20, soit 2F40.
Cuillères à café, 2 douzaines à 0F60, soit 1F20.
Fourchettes, 2 douzaines à 1F20, soit 2F40.
Linge
Draps de lit en bon état, 12 à 7F, soit 84F.
Nappes de 2m20 ; 6 assez bonnes à 2F50 l’une, soit 15 F.
Serviettes en très bon état, 6 à 1F25, soit 7F50. Serviettes demi-usage, 6 à 0F75, soit 4F50.
Essuie-mains demi-usage, 7 à 0F40, soit 2F80.
Essuie-mains en bon état, 8 à 0F80, soit 6F40.
Mouchoirs de poche, 12 neufs à 0F40, soit 4F80.
Mouchoirs de poche, 12 vieux à 0F25, soit 3F.
Chemises neuves, 8 à 4F, soit 32F.
Chemises demi-usagées, 9 à 2F soit 18F.
Chemises vieilles assez bonnes, 8 à 1F50, soit 12F.
Effets d’habillement
Une robe neuve de mérinos avec corsage, 32F.
Trois robes neuves d’hiver avec corsage, à 20F soit 60F.
Quatre robes avec corsage d’hiver, moitié usagées et vieilles à 12F soit 48F.
Quatre robes neuves avec corsage d’été, à 13F, soit 52F.
Cinq robes demi-usage et vieilles d’été à 7F soit 35F.
Un foulard neuf, 5F.
Deux foulards ordinaires à 2F, soit 4F.
Six cravates à 0F75, soit 4F50.
Un voile noir, 5F.
Un bonnet linge des fêtes, 5F.
Quatre bonnets linge à 3F soit 12F.
Une glace, 2F.
Garniture de lit
Une couette, 95F ; paillasses, 14F ; couverture de laine, 11F ; édredon, 22F ; oreiller,10F ; rideaux, 42F ; ciel de lit, 5F ; 2 draps, 20F.
Effets d’enfant
Un berceau en osier, 5F ; langes et couvertures, 12F ; petite couette, 5F.
Récoltes
Blé perdu, un hectolitre à 18F50 ; Graine de sainfoin (luzerne dans le pays), 4 hectolitres à 10F, soit 40F.
Machines agricoles
Une grille de moissonneuse, 12F ; sauvetage du mobilier, 50F ; TOTAL : 984F25 ».
RYTHMES SCOLAIRES
Les lois scolaires de Jules Ferry de 1881-1882 rendaient l’école primaire gratuite et obligatoire pour tous les enfants de 5 à 13 ans. Toutefois, jusqu’en 1945, la fréquentation fut très inégale suivant les saisons.
En effet, en raison des travaux agricoles qui requéraient toute la main-d’œuvre paysanne, les enfants n’allaient en grande majorité en classe que du 15 novembre au 15 mars.
En dehors de cette période, qui correspondait principalement à l’hiver, les effectifs baissaient généralement de moitié. Bien plus, les pères de famille pouvaient demander à l’Inspecteur d’Académie un aménagement de la journée de travail scolaire, comme ce fut le cas à Péchaudier au début du XXème siècle.
« Péchaudier, le 4 avril 1900.
Le Maire de Péchaudier à Monsieur l’Inspecteur d’Académie à Albi.
Monsieur l’Inspecteur d’Académie,
Pour répondre au désir de la presque unanimité des pères de famille de la commune de Péchaudier, tous cultivateurs, je viens vous prier de vouloir autoriser M. l’Instituteur et Mme l’Institutrice d’avancer d’une heure l’entrée et la sortie de la classe du matin, sans rien changer à la classe du soir, à partir de la rentrée des vacances de Pâques jusqu’aux grandes vacances.
Les pères de famille demandent cette modification temporaire pour pouvoir utiliser leurs enfants dans les longs jours pendant une heure et demie, à la garde du gros bétail, dès que les attelages ont fini leur matinée de labourage. La liberté qu’on donne à ce moment à ces animaux, après six ou sept heures de travail, est un délassement nécessaire à leur santé.
D’autre part, les enfants ayant un plus long intervalle entre les deux classes éprouvent moins de fatigue pour aller et revenir avec les grandes chaleurs. Il est bon de tenir compte de la distance moyenne, qu’ils ont à parcourir pour l’aller et le retour, est au moins de trois kilomètres.
Ce n’est pas cette année seulement que cette modification a été reconnue nécessaire, car il y a déjà plusieurs années qu’elle était accordée.
Je ne sais pas comment il s’est fait que l’année dernière ma demande n’ait pas obtenu de réponse. Aussi, j’ai eu à subir les plaintes des pères de famille. Je vous serais bien obligé de vouloir bien faire votre possible pour me les éviter cette année.
Veuillez agréer, Monsieur l’Inspecteur d’Académie, l’assurance de ma considération très distinguée.
« Monsieur l’Inspecteur – Les enfants qui fréquentent l’école sont occupés à garder le bétail, le matin jusqu’à neuf et dix heures et le soir, de trois heures jusqu’à la nuit pour leur rendre possible la fréquentation de la classe, j’ai l’honneur de vous proposer, après avoir consulté M. le Maire et les parents des enfants, d’ouvrir la classe, le matin, de neuf heures et demie à midi et le soir, de une heure jusqu’à trois heures.
J’ai l’honneur d’être, avec respect, Monsieur l’Inspecteur, votre très humble et très obéissant serviteur.
L’Instituteur de Laserre...
La réponse de l’Inspecteur.
« A titre provisoire et pour la belle saison seulement, je vous autorise à modifier ainsi les heures de classe le matin de 9h à 11h1/2 et le soir de 1 heure à 3h1/2.
L’Inspecteur Primaire
Cette lettre datée de 1879, concerne l’école de Lasserre.